Un de ces lieux magiques est l’abbaye de Fontevraud ; j’y suis venue pour la première fois avant d’habiter à Angers, pour un mémorable concert de la Cantate pour la Paix avec la CFA ; j’en ai gardé un souvenir très agréable et y suis revenue ensuite, pour visiter vraiment l’abbaye dont je n’avais vu que l’abbatiale ; le site est magnifique, et je trouve qu’on arrive assez bien à y imaginer une vie, lorsque l’abbesse régnait sur des dizaines de moines et de moniales et avait autant, voire plus de pouvoir que les évêques.
Récemment je suis tombée sur ce livre à Géant (Oui, je sais, la honte, mais bon après tout pourquoi pas) : Fontevraud, Une femme et la fin d’un monde de Monique Demagny, qui est une biographie un peu romancée de Julie Sophie Gillette de Pardaillan d’Antin, la dernière abbesse de Fontevraud. L’histoire se passe juste avant la révolution française, qui a balayé l’abbaye et une partie de ses gens. Cette histoire, très bien documentée, et racontée de façon simple et vivante, n’est pas l’histoire du cheminement intérieur d’une religieuse ; c’est l’histoire d’une femme au destin exceptionnel, inscrite dans les événements de la France de l’époque ; la vie et la gestion de l’abbaye, quelques visites à la cour du roi, les événements de 1789 et surtout la suite, vus de la province.
Ce qui m’a le plus passionnée dans ce livre, c’est de lire un point de vue non sectaire sur la religion, la façon dont elle était perçue, le pouvoir et l’importance des institutions religieuses avant la révolution, et leur fonctionnement comme une micro-société, où des femmes de très haute noblesse entraient au couvent, non pas comme une punition, ce qu’on imagine maintenant, mais pour en assurer les plus hautes fonctions. Il semble que c’était un moyen de faire une très belle carrière !
Malheureusement pour Madame d'Antin, la sienne a été interrompue par la révolution ; cette révolution qu’on nous montre à l’école comme une aventure merveilleuse, les pauvres et les gueux contre l’oppression des riches et des injustes, un peu « à la Robin des Bois », sans trop insister sur la panique et la misère qui en a résulté. En lisant ce livre on a un aperçu de l’autre côté, l’injustice de la destruction brutale et sans appel d’institutions qui étaient, certes, injustes elles-mêmes puisque la sélection par la naissance existait là comme ailleurs, mais aussi qui étaient garantes d’un certain fonctionnement de la société et au service des plus pauvres. Finalement, comme d’habitude, ce sont eux qui en ont pâti le plus, et lorsque l’abbaye n’a plus été là pour distribuer son aumône et soigner et instruire les gens, qui l’a fait à sa place ?
J’ai encore plus envie de retourner à Fontevraud maintenant, pour pouvoir l’imaginer dans toute sa grandeur, sans regrets mal placés, bien sûr, mais avec un petit pincement au cœur ; ça devait être si beau, si paisible, et si vivant...
PS : encore une fois merci papa pour les photos
L'auteure peut sans doute te remercier, elle n'a pas dû en vendre beaucoup ! (ce qui ne préjuge pas de la qualité du livre d'ailleurs).
L'histoire de l'abbaye de Fontevraud est très intéressante, notamment, en effet, parce qu'une femme "régnait" sur des femmes ET des hommes.
En revanche, on ne m'enlèvera pas de la tête que la Révolution française a eu plus de bienfaits pour les pauvres que toutes les charités des grands seigneurs d'Ancien Régime ! La charité n'est pas la philanthropie (qui naît d'ailleurs au 19e siècle celle-ci) et la charité n'est jamais qu'un moyen de légitimer une domination...
En plus, il ne faut pas oublier que nous sommes en pleine région catholique traditionnelle : les pauvres étaient sans doute pour beaucoup attachés à leurs moines et leurs curés, ce qui n'a pas été le cas partout en France.
Voilà voilà...
Salut !
PS: et cette interview ?