C’est incroyable, il faut que je commence des études pour me retrouver à manier le balai. De ma vie entière je n’ai jamais vu autant de poussière dans un même endroit, on dirait l’intérieur d’un sac d’aspirateur. En fait j’ai même cru un moment que quelqu’un était venu répandre de la fausse poussière pour nous faire une blague mais en fait elle avait l’air honnête (la poussière). Il y en avait tellement que même les araignées ne s’y aventuraient plus !
Cette pièce n’a pas du être ouverte depuis des décennies. À croire qu’on est les premiers à manquer de place ! Il faut dire que l’assoce commence à avoir accumulé pas mal de trucs, et partager l’armoire avec ces connards du bureau des élèves c’était plus trop possible.
C’est pour ça qu’on a demandé le bureau au 4ème étage du bâtiment B, de toute façon personne ne s’en servait, d’ailleurs je sais même pas comment V. a eu cette idée, je ne savais même pas qu’il y avait un bureau là (en même temps il n’y a que lui pour consulter les plans d'évacuation de tous les endroits où il va :-) ). Par contre c’est chiant faut se taper les escaliers à chaque fois, c’est peut-être pour ça que personne n’y allait jamais.
Je me demande à quoi il servait avant ce bureau. On dirait une sorte de salle d’archives avec plein de paperasses, pourtant rien ne semble classé. Ou alors elle a été cambriolée, mais pourtant non, car tout était sur les étagères, un genre de pagaille organisée. En tout cas on a jeté la plupart des documents, de toute façon ils tombaient en lambeaux. Impossible de lire quoi que ce soit pour savoir de quand datait tout ce fourbi. On a quand même trouvé un truc pas mal et bien conservé.
Je l’ai filé à Geoffroy, il adore ce genre de trucs, et je m‘en suis gardé une copie. J’avais entendu parler de cette histoire de souterrains sous la Maine mais je pensais que ce n’était qu’une légende. J’aimerais bien aller y faire un tour ! Ce pleutre de Geoffroy n’est pas très chaud mais je pense que je l’aurai à l’usure. En attendant, ça ne m’empêchera pas de chercher les entrées. C’est bête que le plan ne soit pas plus précis…
Chère Marianne (j’espère que tu me permets de t’appeler ainsi ?) Je suis l’un de tes anciens condisciples, j’étais dans ton école il y a bien longtemps, et je me souviens de cette salle et aussi de la raison pour laquelle elle n’a plus été utilisée depuis ce jour.
Maintenant que je suis vieux et chenu, immobilisé entre ma cheminée et mon ordinateur, et qu’il ne me reste plus bien longtemps à vivre, je voudrais racheter un peu mon impuissance et ma lâcheté du passé. En cette sombre nuit, il y a trop longtemps, après avoir bien ratissé tous les papiers compromettants, (presque tous, apparemment) j’ai fermé la porte de ce bureau derrière moi et je me suis efforcé d’oublier et de me faire oublier. Au bout du compte, ça a bien marché. Il faut dire que c’était la guerre, et quand six étudiants disparaissent dans ces conditions, on ne se pose pas trop de questions. On se dit qu’ils ont leurs raisons de plonger dans la clandestinité, et, ne serait-ce que pour leur sécurité, on ne les cherche pas trop. Quand, après la guerre, ils n’ont pas reparu, leurs familles se sont bien inquiétées, mais leurs traces avaient complètement disparu.
Mais moi, qui les connaissais bien pour les avoir aidés quelque peu dans leurs recherches, je savais bien que leurs soirées n’étaient pas passées à faire des actes de résistance, mais à explorer les sous-sols de la vieille ville.
Il faudrait faire plus attention. Nous avions fait des recherches dans les archives, et nous avons trouvé des allusions inquiétantes. De plus, mon arrière-grand-père, qui était de la région, parlait des mystères du sous-sol de la vieille ville d’Angers. Je ne l’ai connu que bien peu de temps. J’étais encore un gamin, et lui bien vieux et commençait à radoter. Mais au coin du feu, un soir d’hiver, il m’a raconté des histoires que je trouvais passionnantes. Je m’en souviens comme si c’était hier. Et c’est comme ça que tout a commencé.
Zut, c’est cette fichue infirmière qui arrive pour me faire mes piqûres. Elle va encore me houspiller parce que je passe trop de temps devant l’ordinateur. J’essaierai de reprendre le clavier un peu plus tard.
A (nonyme)